"Superflux 08" - fête des lumières - Lyon (2008) A – Bavarde, disiez- vous. Je peux m’arrêter là mais il y a encore bien des choses à dire. P – Non, non, continue. Ça me change les idées. Tu ne peux pas savoir ce que c’est ennuyant de ne plus pouvoir travailler. A – Bien. Alors. Vous savez notre perception de l’espace peut nous « enduire d’erreur », si j’ose dire. P – Comment cela ? A – Eh bien, si je tire des ficelles entre des objets et que je ne voies plus les objets, Disons que nous sommes dans l’obscurité et que les lignes sont lumineuses. Je percevrai ces lignes comme des objets. Ainsi trois lignes droites, d’un certain point de vue, me sembleront définir un triangle dont les arêtes, par exemple, dépassent les sommets. Si je me déplace un peu, j’aurai l’impression que les sommets se déplacent sur les arêtes et puis à un certain moment je verrai que les arêtes ne se croisent plus. Il se pourra même que deux d’entre elles viennent se superposer. Comme nous sommes dans l’obscurité, que nous ne voyons que ces trois lignes, notre attention sera fixée sur elles. Nous oublierons que c’est nous qui nous déplaçons et nous aurons l’impression que ce sont les lignes qui se déplacent. J’ai eu l’occasion de le vérifier lors d’une de ses installations… alors que j’étais dubitative. Par ailleurs lorsque je tentais d’en saisir une, alors que je croyais en être proche, je n’arrivais pas à l’atteindre. Ma perception des distances était faussée. De même, alors que de l’endroit où j’abordais l’installation une des lignes me semblait verticale, en chemin je découvrais que ce n’était pas le cas. Notre perception de l’espace était faussée. En général lorsque nous abordons un endroit, instantanément et inconsciemment, nous construisons un schéma mental de l’espace en nous appuyant sur les objets en nombre qui s’y trouvent. Pour nous déplacer c’est par un calcul inconscient mais efficace que nous établissons notre trajectoire et par continuité si par hasard un mur ou une surface est présente. Lorsque nous ne sommes plus dans cette configuration, nos schémas habituels sont perturbés mais nous sommes emportés par nos habitudes qui ne sont plus valables dans ce cas. P – Dis donc, c’est presqu’une démarche scientifique que tu m’exposes là. A – Je ne saurais dire mais je sais que c’est ainsi qu’il aborde ses réalisations. Bien entendu il n’expose rien de cela et laisse au visiteur le soin d’y réfléchir ou pas…. une fois qu’il aura sensitivement éprouvé les perturbations. P – Je vois, il prend à contrepied nos habitudes et c’est notre corps par ses attitudes, son action qui nous conduit à réfléchir. A – Je continue. Un ligne droite pourvu qu’elle soit fine perd dans notre esprit sa nature sensible et devient comme un signe abstrait. Je parlais de la verticale. Nous avons intériorisé la notion de verticale puisque c’est une contrainte à laquelle nous sommes soumis depuis que nous marchons. Bien souvent ce qui est vertical dans notre environnement a une certaine épaisseur, un poteau, un arbre. Comme nous il est contraint par la pesanteur et, peut-être la tour de Pise mise de côté, on ne se pose plus de question : il est vertical. Aussi, si dans un passage je place une ligne sans épaisseur qui apparaît verticale lorsque je l’aborde, dans mon esprit elle s’inscrit comme verticale et je m’apprête à la contourner si besoin. Pourtant en avançant je découvre qu’elle fuit, quelle est oblique. Selon la situation je vais devoir me demander quand je devrais l’éviter. Ce n’est plus aussi simple et même je puis me trouver piégé et obligé de me courber car je m’y serais pris trop tard.
P – On dirait que tu as bien compris la leçon. A – C’est assez simple à comprendre quand on a eu l’occasion de faire l’expérience et qu’ensuite on vous explique comme je viens de le faire. Lorsqu’on vous explique sans avoir fait l’expérience c’est abstrait mais croyez-moi en faisant l’expérience les questions surgissent simplement et si on ne réussit pas à trouver par soi-même les réponses, pourvu qu’on vous les expose - je me répète - cela devient simple à comprendre. P – Ça me fait peser aux anamorphoses dans un certain sens. A – Vous n’avez pas tort car c’est la confusion entre … attendez que je retrouve… la géométrie projective et la géométrie euclidienne. P – Oh là…. Les grands mots. A – Je ne crois pas me tromper mais faudra que je lui demande de confirmer car moi aussi ça me dépasse.
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Auteurartiste plasticien et mathématicien je ne saurais séparer les deux. Archives
Mars 2019
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