A – L’espace, Monsieur Picasso,… il va nous falloir de la place. D’abord, y aurait-il de l’espace s’il n’y avait pas d’objets distincts ? P – Oh, là, tu deviens sérieuse Aphrodite. Où est-ce que tu es allée pêcher cela ? A – Je n’ai pas péché, je tiens ça de mon ami. C’est lui qui pense… moi je suis. Enfin, j’essaie plutôt de suivre et ne pas dire de bêtise. P – Poursuis alors. A – Eh bien, il me disait que s’il n’y avait rien, d’abord nous ne serions pas là et qui pourrait dire qu’il y a de l’espace ? Peut-être Dieu, qui aurait raté sa création, aurait fourni la boîte mais n’aurait pas eu assez d’imagination pour savoir quoi mettre dedans. P – Nom de dieu, ça devient profond. A – Profond peut-être mais creux. Certains imaginent que dans ce vide il y aurait introduit quelque chose comme le vide quantique. Ne m’en demandez pas plus, je n’ai rien compris à cette histoire-là. P – Ça me dit quelque chose ça : le cantique des cantiques ? A – Non, « le cantique des quantiques »… un livre que mon ami a dans sa bibliothèque, alors qu’il n’a jamais lu la Bible. Bref, un jour - enfin, pour dire comme ça - la soupe ou la mayonnaise aurait prise et dans la boîte pas bien grande, bien moins grande qu’une tête d’épingle, ça se serait mis à grandir. Un joyeux bordel et c’était chaud, mais pas à la manière de vos demoiselles du bordel d’Avignon. Bon, moi ce qui me gêne là-dedans c’est que ce qu’ils appellent vide quantique ce n’est pas « rien ». Peut-être que Dieu se soit dit « Bon Dieu, mais c’est bien sûr.. » P – Ça c’est l’inspecteur Bourrel, dans « les cinq dernières minutes » qui l’a dit. A – Comment ? P – Pas grave continue. Ça m’intéresse. A – Ça se bousculait fort et paraît-même que si il n’y avait pas eu une erreur de parcours, un déséquilibre ça aurait pu revenir au vide. Les plus et les moins se bouffant l’un l’autre. Enfin, c’est comme ça que je comprends. On pourrait dire alors que Dieu n’aurait pas tout contrôlé. Dans le même temps la boîte qui contenait tout ça s’est mise à grandir et ça s’est moins bousculé. Paraît même que la boîte qu’ils appellent univers continue encore à grandir. Et c’est cette boîte là qu’on pourrait dire l’espace. Ne me demandez pas pourquoi elle est plus grande que ce qu’elle contient ? Parce qu’on sait qu’il y a beaucoup de vide dans l’espace. Les mathématiciens disent que l’espace existe même sans boîte ni objets concrets, que la boîte dont on parle se situe elle-même dans l’espace qui peut être infini. Bon, les mathématiciens sont des anges, ils se situeraient entre Dieu et nous. Non pas que tout leur soit permis mais ce sont de purs esprits. P – Les mathématiciens des anges, ah, ah, ah ! Ça me plait et je comprends pourquoi je ne suis pas devenu mathématicien…. Je suis loin d’être un ange. A – Attention, Monsieur Picasso. Si les mathématiciens sont des anges cela ne veut pas dire que tous les anges sont mathématiciens, mais certes, si vous n’êtes pas un ange… enfin je dis ça comme ça… P – Mathématiciens des anges, des purs esprits ? A – Bien sûr, vous êtes comme moi. Faut bien que ces purs esprits habitent un objet concret, un corps, sinon, vous voyez comme moi, on ne les verrait pas. Un peu comme leur espace sans objet ça fait pfuit ! P – L’espace comme tu dis, c’est quoi finalement. A – Eh bien ce sont les relations, le dialogue que les objets peuvent entretenir entre eux. Certains objets sont proches, d’autres lointains et s’ils veulent se rapprocher les uns des autres, par exemple, ils ne pourront pas le faire n’importe comment. Nous on connaît la ligne droite. Si je veux aller au plus vite vers vous, ici, je vais aller en ligne droite ce n’est pas impossible. Mais rappelez-vous l’image de l’oignon que j’évoquais au début de notre échange. Dans cet espace-là plus de ligne droite, plus de plan. Si vous êtes sur la même couche je suivrai une courbe…. mais si vous êtes sur une autre couche je ne sais même pas comment je pourrai vous atteindre. Dans notre espace à nous, on peut tirer des lignes droites entre les objets… il faut entendre tirer au sens propre c’est à dire qu’il faut bien s’accrocher à deux endroits et tirer, surtout si c’est de la ficelle. Il faudra plus ou moins long de ficelle selon que les deux objets sont proches ou éloignés. C’est un peu bête comme choux mais cette ficelle va nous révéler ou rendre sensible ce « vide » qui sépare les objets. On pourrait imaginer autre chose, comme nous déplacer physiquement de l’un à l’autre. Encore que ce n’est pas toujours possible ou facile. En tout cas il va falloir faire une action qui va nous renseigner, sinon de ce vide qui nous sépare on n’aura qu’une idée abstraite et parfois fausse. Un peu comme l’arbre qui cache la forêt parfois. P – Et si il y a un mur qui sépare les deux objets ? A – D’abord ce mur est un objet. Dans ce cas les mathématiques vont nous être utiles. Elles vont nous permettre, si j’ose dire, de traverser le mur et atteindre en ligne droite ces deux objets… en nous accrochant au mur bien entendu. P – Euh ? A – Je vois ce que vous voulez dire. Bien sûr on ne va pas traverser concrètement le mur mais nous y accrocher de part et d’autre et si un spectateur a l’occasion de voir ensemble les deux objets et le mur, il verra la ligne droite tendue entre les deux objets. P – Je saisis un peu ce que tu veux dire. A- Mais un autre cas peut se présenter. Imaginez qu’entre les deux objets il y ait un champ magnétique, un champ magnétique très puissant, un aimant colossal, et que ma ficelle soit un fil de fer… je ne pourrai pas, même en tirant fort, joindre les deux objets en ligne droite. Le fil de fer sera courbé.
P – Je me rappelle d’une expérience qui avait été effectuée à l’occasion d’une éclipse de soleil. C’était en 1919, je crois ; et qui a confirmé la théorie de la relativité. La déviation de la lumière à l’abord du soleil. Je n’ai rien compris mais cela nous intéressait. Enfin certains artistes. On parlait de cette relativité et de ces espaces à quatre dimensions. Certains même sont allés jusqu’à dire que le cubisme s’en serait imprégné. Je ne dirais pas qu’ils avaient tort parce qu’à notre manière ces sujets là nous intéressaient. Ils nous intriguaient. A – Voilà ce qui illustre que l’espace ne peut pas se définir sans les objets qui l’habitent et les relations physiques qu’ils entretiennent entre eux. C’est là, je pense, que mon ami rejoint Einstein qui dit que l’univers ou la géométrie de son espace est définie par les objets qui le composent et que c’est cela qui caractérise les trajectoires quand on se déplace. Paraît même qu’il y a des objets mystérieux qui engouffrent tout ce qui s’en approche. Ils appellent ça des trous noirs. C’est troublant parce que c’est comme si tout disparaissait. Ça devient abstrait pour moi à ce stade-là. Ben, lui vous expliquerait cela mieux que moi.
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Auteurartiste plasticien et mathématicien je ne saurais séparer les deux. Archives
Mars 2019
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