A - Il faut que je vous parle de mon ami. Il était nul en dessin. Enfin, c'est ce qu'il dit mais je le crois. Ce sont les mathématiques qui lui ont servi pour dessiner. Par exemple, à vous, dans une école d'art -à l'époque tout au moins- on vous enseignait la perspective. Eh bien, lui, la perspective il n'en avait vraiment qu'une notion si sommaire qu'on peut dire qu'il n'y connaissait rien et c'est la géométrie projective qui l'y a initié.
P - Je ne comprends pas. A - Normal, moi non plus je ne comprenais pas. Il a fallu qu'il m'explique. Il faisait un peu le chemin inverse de l'Histoire. En passant, ceci me rappelle que nous aussi nous avançons à l'envers... la dernière page apparaît en premier. P - Explique moi. A - Voilà, si j'ai bien compris. En géométrie projective on place la droite à l'infini où on veut. Il trouvait cela très poétique, un sentiment de toute puissance : "moi, je décide que l'infini sera là !". P - C'est vrai que ça ne manque pas de toupet. A - Ensuite, l'horizon, c'est un peu comme l'infini, on ne réussit jamais à l'atteindre. Donc "je considèrerai ma droite à l'infini comme la ligne d'horizon". Toutes les droites (sauf une direction et encore, mais là je ne m'aventurerais pas) rencontrent la droite à l'infini. De plus les droites parallèles se coupent à l'infini. Même que les droites dépassent l'infini, que moins l'infini et plus l'infini sont confondus sur cette même droite. Comme qui dirait que d'un seul petit pas on passe de plus à moins l'infini.... c'est pire que tout. P - Vu comme ça, je ne connais rien aux maths mais ça me semble poétique... sauter de plus à moins l'infini. A - Le peu qu'il savait de la perspective lui disait que les droites parallèles se rejoignent sur la ligne d'horizon. Donc il ne lui semblait pas incohérent de tenter de traiter son dessin comme un cas particulier de la géométrie projective. Sachant de plus comment en géométrie projective on calcule la progression des distances sur une droite au fur et à mesure qu'on s'approche de l'infini, il lui était possible de représenter l'éloignement. Il fit donc ses exercices de géométries et comme "il vit que cela était bon..." Ça ne vous rappelle rien ça ? P - Non. A - C'est pourtant... Pas grave, je poursuis. Il vit que c'était bon et donc il se dit que ça devait bien être comme ça que fonctionne la perspective. C'est en cela qu'il faisait le chemin inversé de l'Histoire puisque ce sont les perpectivistes -empiriquement et à tâtons- qui ont extrait ces règles de l'observation et qu'il faudra attendre presque deux siècles pour que la géométrie projective se formalise. P - A chacun sa culture... A - Et lui n'en avait guère, sinon une culture plutôt agricole. P - Arrête de me couper tout le temps. Je ne peux pas en placer une... A - Pour une fois c'est moi qui parle, alors... J'ai du mal, vous savez. Déjà que je suis surprise que vous m'écoutiez... P - Ça m'intéresse ce que tu dis.
2 Commentaires
gallais
12/16/2018 01:15:34 pm
les "pas" nous sont revenus. Vous sont-ls parvenus ?
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pierre
12/16/2018 01:18:32 pm
à tout petits pas
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Auteurartiste plasticien et mathématicien je ne saurais séparer les deux. Archives
Mars 2019
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