A – Puisque vous avez parlé d’anamorphoses, pour faire une parenthèse, je vous dirais qu’il s’y est intéressé à l’occasion. Une anamorphose, comme vous savez, c’est une image ou bien un objet qui est fait pour être regardé et qui trouve son sens lorsqu’on est au bon point de vue. Si elles ont eu leur heure de gloire juste après et comme suite aux recherches des perspectivistes, elles étaient tombées en sommeil. Depuis quelques décennies elles ont trouvé un regain d’intérêt auprès de certains artistes contemporains dont les noms ne vous dirons rien, Monsieur Picasso, puisqu’ils ont commencé à s’exprimer après votre départ. Il y a différents moyens techniques pour produire une anamorphose. Par exemple on peut depuis le point de vue, qu’il faudra retrouver lorsque l’anamorphose sera réalisée,… depuis le point de vue, projeter l’image correcte – celle qu’on verra correctement - sur le support - que ce soit un tableau, un mur ou toute autre surface. Mais on peut également calculer mathématiquement l’image projetée sans avoir recours à l’image d’origine et sans se placer au point de vue. P – Comment cela ? Je connaissais la première solution mais qu’est-ce que vous me dites là ? A – Eh bien, c’est un problème de géométrie projective comme mon ami me l’a dit. Attendez… que je me concentre. C’est délicat pour moi, mais je vais essayer. Je ne vous dis pas que je serais en mesure de faire les calculs mais je pense pouvoir vous décrire le principe. Voilà. Lorsque vous regardez une image, un objet c’est comme si vous preniez une photographie. Disons si vous êtes borgne ou bien que vous fermez un œil. Depuis le point de vue à l’intérieur de l‘appareil photo, ou bien à l’intérieur de votre œil vous faites une projection sur la pellicule ou bien votre rétine. C’est un peu comme si vous tendiez une ficelle depuis votre point de vue jusqu’à l’image. Là où elle traverse votre pellicule ce sera le point image de l’objet où l’autre bout de la ficelle s’accroche. P – Ça me rappelle les systèmes exposés par Dürer, par exemple. A – Exactement. Ou bien la camera obscura. Rien de nouveau :-) :-) P – Les peintres s’en sont bien servis avant l’arrivée de l’appareil photographique. A – Sans doute. Dans le cas de la photo, ou de la peinture selon la perspective, l’objet réel existe et c’est son image (déformée en un sens) qui s’imprime sur la pellicule ou la toile. Dans le cas de l’anamorphose on aurait l’image déjà imprimée sur la pellicule et on tendrait une ficelle depuis le point de vue à l’intérieur de l’appareil photo et là où celle-ci viendrait rencontrer un obstacle, une surface on viendrait l’accrocher ou bien marquer d’un point. A charge de répéter l’opération. Le projecteur de cinéma ou de diapositive, maintenant les vidéo projecteurs, font cela et ne font que cela. P – Oui, mais où sont les calculs là-dedans ? A – J’y viens. La ficelle, l’image sur votre pellicule, votre point de vue peuvent se « mathématiser ». Ne me demandez pas comment. Lui vous expliquerait mais, comme moi, pas sûr que vous compreniez. Les seules choses que j’ai retenu c’est que la ficelle c’est mathématiquement une droite, la pellicule un plan et le point de vue un point. Toutes ces ficelles tendues depuis le point de vue qui coupent la pellicule c’est comme des droites qui traversent le plan et convergent au point de vue. Il m’a dit que tout cela pouvait se mettre en équation et qu’au final ce n’était qu’un problème algébrique à résoudre. P – Oh, là ça me dépasse. A – Attendez. Il dit que puisque tout ça c’est du calcul, on n’a pas besoin d’avoir réellement le point de vue. P – Comment ça ? Je commence à être perdu. A – Attendez. C’est seulement pour les calculs qu’on n’a pas besoin du point de vue. On le retrouvera réellement quand tout sera achevé. C’est le point où il faudra se placer. Mais pendant tout le calcul ce point est, on pourrait dire, virtuel. Est-ce que vous voyez où il veut en venir ? P - Pas du tout petit programme pour calculer une photographie ou bien une anamorphose A- Eh bien, ce point réel, comme on peut le placer comme on veut dans la phase de calcul, eh bien, ce point on peut décider de ne jamais pouvoir l’atteindre quand tout sera achevé. P – Je ne vois vraiment pas l’intérêt. A – Attendez. On peut placer ce point de sorte qu’en vous en approchant vous sentiez l’image déformée se redresser, c’est à dire de plus en plus correcte mais jamais exacte. Ainsi vous chercherez à atteindre le bon point de vue mais vous n’y arriverez pas. P – Je saisis mieux. Il joue sur la frustration. Super. A – Oui, la frustration et aussi faire un peu la nique à ces histoires d’anamorphoses qui n’ont rien de poétiques à ses yeux. Comme il dit : « Quand les gens cherchent le point de vue on dirait qu’ils cherchent soit à mettre en défaut l’auteur ou bien se prouver à eux-mêmes qu’ils ont trouvé la solution. Comme la solution à un problème mathématique ou une énigme et cela n’a rien de poétique ». Bien, à l’époque de la découverte de la perspective et de l’anamorphose, on peut comprendre. Cela semblait mystérieux et on pouvait avoir l’impression de soulever le voile qui occultait la compréhension. Mais de nos jours, depuis que nous nous sommes habitués aux appareils photographiques, il n’y a plus d’intérêt à ce jeu-là. Donc introduire de la frustration peut donner à réfléchir ou bien surprendre ou encore étonner. P – Un peu pervers mais ça me plait comme … point de vue :-)))
A – Moi aussi, c’est son côté espiègle. Car maintenant, par exemple avec les fameux lasers qui peuvent pointer très loin, si on prend une forme simple, un cercle par exemple on pourra aller pointer très loin en faisant accomplir le bon mouvement au laser. Le laser n’a pas besoin d’être puissant et pour quelques euros, (des francs pour vous) pourvu qu’on fasse de nuit on pourra étendre ce cercle sur des centaines de mètres. Il demeure bien un peu de surprise mais elle tient à la technologie. Toutefois rien de nouveau quant à ce que l’anamorphose peut recéler et les troubles qu’elle peut introduire. Je vais vous décrire une anamorphose qu'il a faite sur l’eau. P – Bon, ce sera assez pour l’instant, car même si je suis mort j’ai un certain âge. J’ai besoin de me reposer. Je vais aller rejoindre les bienheureux quelque temps. Mais on va poursuivre.
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Auteurartiste plasticien et mathématicien je ne saurais séparer les deux. Archives
Mars 2019
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